L’Alliance des maladies rares au Maroc (AMRM) par la voix de sa présidente, le Dr Moussayer Khadija, veut attirer l’attention sur la situation actuelle, pendant la pandémie du Covid-19, des enfants atteints de phénylcétonurie, cette atteinte grave et pourtant évitable au Maroc si l’on s’en donne les moyens.
Cette maladie rare est due à l'accumulation progressive dans l'organisme des bébés d'un composé toxique pour le cerveau entraînant un retard mental et des problèmes neurologiques. Diagnostiquée, un régime alimentaire strict débuté avant 3 mois et poursuivi toute l’enfance assure pourtant un développement normal. Au Maroc, 1 enfant sur 4.000 environ est touché. Outre les contraintes générées par la maladie, les familles vivent une véritable « vie de misère et de galère » entre la cherté et l’indisponibilité des aliments « spéciaux » et des médicaments. L’épidémie du coronavirus et le confinement qui s’en est suivi ont été vécus comme une tragédie par ces familles : elles n’arrivent à faire « survivre » leurs enfants en temps normal que par des dons de philanthropes étrangers et le blocage des frontières/confinement a pratiquement stoppé cette aide et affamé les enfants.
Origine et symptômes de la maladie
La phénylcétonurie (PCU) est provoquée par un trouble du métabolisme de la phénylalanine, un acide aminé présent dans l’alimentation. Celui-ci est normalement transformé en un autre acide aminé, la tyrosine, grâce à une enzyme qui est défectueuse chez ces enfants.
Les bébés développent un retard mental et des symptômes tels que : convulsions, nausées et vomissements, éruption cutanée proche de l’eczéma, hyperactivité, agressivité ou automutilation, périmètre crânien réduit (microcéphalie), peau, yeux et cheveux plus clairs… Ils dégagent souvent une odeur de « souris » ou de moisi en raison de la présence d’un sous-produit de la phénylalanine dans leurs urines et leur sueur.
La maladie est assez souvent confondu à tort à de l’autisme, et même par les médecins, à cause des conséquences : agressivité, absence d’acquisition des capacités intellectuelle et motrice. D’où des retards de diagnostic très préjudiciables.
Un régime pratiquement impossible à suivre efficacement au Maroc
L’enfant doit suivre un régime draconien très faible en protéines, où viandes, poissons, œufs, laitages, et féculents sont supprimés jusqu'à l'âge de 12 ans, puis, suivant les cas, assoupli à l'adolescence. C'est-à-dire que pratiquement tout lui est interdit au début. L’indisponibilité au Maroc et le coût très élevé des produits diététiques spécifiques (farines, pâtes spéciales, solutions complémentaires…) font souvent que les enfants « meurent littéralement de faim » pour respecter ces règles. Une boite de lait spécifique coûte dans les 500 dhs et n’est donc même pas disponible au Maroc. Donc les familles se débrouillent comme elles peuvent pour se les procurer et ne sont pas remboursées bien sûr.
.De plus, un médicament, stimulant la dégradation de la phénylalanine et permettant d'atténuer le régime chez certains enfants, existe mais est indisponible au Maroc : ce médicament, le Kuvan permet d’alléger le régime pour le rendre moins contraignant. C’est un compensateur.
La tragédie du confinement : des enfants "mourant littéralement de faim"
Deux associations, l’Association Marocaine de Patients de la Phénylcétonurie et l’association SOS PKU Maroc soutiennent les enfants et leurs familles en leur fournissant de la nourriture adaptée, reçue de bienfaiteurs étrangers (souvent d’origine marocaine). Elle procure assistance également pour effectuer des analyses biologiques régulières et indispensables tous les 15 jours : c’est un test de contrôle du taux de la phénylalanine coûtant environ 250 dhs, une dépense que beaucoup de familles sont incapables d’assumer.
Pendant le confinement, l’approvisionnement est devenue "mission impossible": les parents n'avaient pas le droit de se déplacer pour aller au siège de l'association (à quelquefois plus de 100 kms de leur domicile !) ; les associations ont pu seulement en distribuer de petites quantités à 100 enfants, en rationnant les produits dont elles disposaient.
L’association SOS PKU Maroc, animée notamment par Kawtar Tazi, a quand même reçu des dons des Etats-Unis (par l’entremise de Mme Fatiha Abderrazik qui vit aux Etats Unis), sous forme de mélanges d’acides aminés et d’aliments pauvres en protéines, notamment des farines, des biscuits, des pâtes et des substituts d’œufs pour préparer les gâteaux.
SOS PKU Maroc a pu également équiper les familles en balances spéciales pour peser les aliments.
La solution pour assurer une vie "heureuse" à des milliers d’enfants : le dépistage
La phénylcétonurie touche suivant les pays entre 1 nouveau-né sur 20 000 et 1 sur 4 000. Sachant qu’on a un fort pourcentage de mariage consanguin, l’AMRM estime que le nombre d’enfants atteints au Maroc est certainement proche de 1 sur 4 000. Soit plusieurs milliers de gens handicapés mentaux ! Une très lourde charge pour les familles, pour le système de santé marocain et pour la société dans son ensemble !
Un test spécifique, opéré à partir de quelques gouttes de sang prélevé au 3e jour de vie et déposé sur un buvard, permettrait pourtant de l’éviter, ainsi qu’on le fait déjà dans tous les pays européens. Ce test de « rien du tout » assurerait ainsi une vie normale ou presque à des milliers d’enfants.
Un appel renouvelé au dépistage néonatal
L’AMRM appelle encore une fois, à l’occasion de la journée internationale de la phénylcétonurie, le 28 juin dernier, à un large programme de dépistage néonatal systématique de la phénylcétonurie ainsi d’ailleurs que de 4 autres maladies rares qui méritent d’être signalées: l’hypothyroïdie congénitale (soignable par un traitement peu onéreux : la lévothyroxine, une hormone thyroïdienne) , l’hyperplasie congénitale des surrénales (dérèglement hormonal causant des crises potentiellement mortelles de déshydratation), la drépanocytose (atteinte du sang) et la mucoviscidose (touchant surtout voies respiratoires et système digestif).